Avalanche législative et perte de souveraineté

1. Pourquoi le Conseil fédéral n’exclut-il pas l’adhésion à l’UE comme scénario de politique étrangère alors qu’un tel projet est incompatible avec l’article définissant le but de la Constitution fédérale?

2. Le Conseil fédéral a-t-il préparé, dans le cadre de sa politique étrangére, une stratégie afin de maintenir au strict minimum le nombre de nouvelles lois? La Suisse ne reprend-elle que les lois absolument indispensables afin de laisser à ses citoyens une liberté maximale?

3. Lors du dernier congrès annuel des arts et métiers, Edmund Stoiber a relevé qu’environ 85 pour cent des nouvelles lois appliquées en Allemagne venaient de Bruxelles. Quelles mesures le Conseil fédéral prend-il pour éviter un tel scénario en Suisse?

4. Combien de pages de lois et d’ordonnances la Suisse a-t-elle dû reprendre durant les cinq années passées à la suite du développement de l’acquis européen?

5. Le Conseil fédéral peut-il indiquer le nombre de lois ayant leur origine en Suisse, à Bruxelles ou au niveau international durant les cinq dernières années (présentation des chiffres selon les années)?

En 2009 le Conseil fédéral évoquait encore les avantages d’un accord-cadre avec l’UE. Il affirmait que le processus d’actualisation du droit européen pour la Suisse pourrait ainsi être amélioré (cf. interpellation 09.3249). Le 19 août 2010, la présidente de la Confédération Doris Leuthard déclarait qu’il fallait oublier la notion d’accord-cadre, personne ne sachant exactement ce que cela signifie. Selon Madame Leuthard, la Suisse a des problèmes aussi bien avec le développement de l’acquis européen qu’avec le développement de la jurisprudence UE. Des tensions semblent surgir entre le droit européen et l’ordre légal et constitutionnel suisse. Le rapport du Conseil fédéral sur l’évaluation de la politique européenne suisse confirme cet état de fait. On y lit aussi qu’une adhésion à l’UE aurait des implications pour les institutions fédérales, la démocratie directe et les droits démocratiques, ce qui est contraire à la Constitution fédérale (art. 2; protection de la liberté et des droits du peuple). Selon la conseillére fédérale Calmy Rey, ces objectifs constitutonnels sont identiques à ceux de la politique européenne du Conseil fédéral.

1. Dans le rapport sur l’évaluation de la politique européenne de la Suisse (cf. ch. 3.7.1) qu’il a approuvé le 17 septembre 2010, le Conseil fédéral indique qu’une adhésion de la Suisse à l’UE aurait des implications sur la démocratie directe, sur le fédéralisme et sur d’autres aspects institutionnels. Ces implications nécessiteraient certes des adaptations des mécanismes suisses dans ces domaines. Ces dernières, outre qu’elles devraient être adoptées par le peuple et les cantons selon les règles constitutionnelles en vigueur, ne porteraient cependant pas atteinte aux garanties programmatoires contenues dans l’article 2 de la Constitution fédérale, contrairement à la conclusion tirée par l’interpellant. En tout état de cause, le Conseil fédéral continuera d’observer et de contrôler en permanence l’ensemble des instruments de politique européenne, de sorte à pouvoir les adapter à la situation si nécessaire.

2./3. Comme l’a déjà exposé le Conseil fédéral dans son rapport du 15 juin 2007 sur les effets de divers instruments de politique européenne sur le fédéralisme de la Suisse (cf. ch. 1.4), le droit suisse est plus influencé par le droit européen du fait du réseau d’accords de plus en plus dense tissé entre la Suisse et l’UE. Le but du Conseil fédéral est d’avoir une législation eurocompatible dans les domaines où ceci est dans l’intérêt de la Suisse (économie, sécurité, environnement, culture, recherche, etc.). Une reprise du droit de l’UE s’effectue en outre dans le cadre d’accords qui sont conclus uniquement lorsqu’ils sont dans l’intérêt de la Suisse. Enfin, il serait erroné de conclure que la reprise du droit de l’UE limite automatiquement la liberté des citoyennes et citoyens. Bien au contraire, une reprise de normes européennes peut, par exemple, contribuer à la concrétisation des droits fondamentaux ou ouvrir de nouveaux marchés aux entreprises suisses.

4. Ce n’est pas tant le volume des normes juridiques de l’UE reprises par la Suisse au cours des cinq dernières années mais plutôt leur contenu et leur portée qui sont importants. Une obligation contractuelle de reprendre le droit de l’UE pertinent n’existe que dans le cadre d’un nombre restreint d’accords bilatéraux (par ex. art. 2 al. 3 de l’accord d’association à Schengen, RS 0.362.31, et art. 1 al. 3 de l’accord d’association à Dublin, RS 0.142.392.68; art. 22 de l’accord sur la sécurité douanière, FF 2009 8115).

5. Un inventaire précis est impossible. Dans son rapport du 15 juin 2007 sur les effets de divers instruments de politique européenne sur le fédéralisme de la Suisse (cf. ch. 1.4), le Conseil fédéral a indiqué qu’il n’existait aucune liste répertoriant toutes les dispositions se référant au droit communautaire ou s’en inspirant d’une manière ou d’une autre. De récentes études (p. ex. Emilie Kohler 2009, Influences du droit européen sur la législation suisse: analyse des années 2004 à 2007; Ali Arbia 2006, The Road not Taken – Europeanisation of Laws in Austria and Switzerland 1996-2005) peuvent constituer une piste de réflexion; elles indiquent que 40 à 60 pour cent des lois fédérales, qu’elles soient nouvelles ou aient fait l’objet d’une révision récente, ont été influencées plus ou moins fortement par le droit de l’UE.