Les frontières suisses. Un risque de sécurité?

L’accord de Schengen Suisse-UE est entré en vigueur il y a plus d’un an.

Contrairement à ce qu’avait pronostiqué le Conseil fédéral, les dernières statistiques sur la criminalité sont inquiétantes et suscitent de nombreuses questions. Le même constat vaut pour l’asile.

La forte augmentation du nombre de requérants d’asile, qui a de nouveau atteint environ 16 000 par an ces trois dernières années, est inquiétante.

Les migrants africains sont particulièrement problématiques. Selon le directeur de l’Office fédéral de la migration (ODM), 99,5 pour cent des requérants originaires du Nigéria n’ont pas la moindre chance d’être admis en Suisse. Il s’avère d’ailleurs que ces personnes ne viennent pas en Suisse en tant que réfugiés, mais pour y faire des affaires, soit du trafic de drogues ou de la petite criminalité.

La Suisse est trop intéressante comme pays d’asile et attire les demandes d’asile abusives.

Ces déclarations sont en nette opposition avec le communiqué du Département fédéral des finances du 15 mars 2010, qui relève en substance que la sécurité intérieure de la Suisse est garantie à l’avenir, malgré la suppression des contrôles frontaliers. Or, des organisations professionnelles, comme l’Union des paysans, critiquent l’inefficacité des contrôles frontaliers qui ne parviennent plus à empêcher les importations illégales.

Et qu’en est-il de l’efficacité de la sécurité, de la migration en général et du contrôle des marchandises en général?

1. A-t-on pu baisser l’immigration clandestine et la criminalité en Suisse depuis l’entrée en vigueur de l’accord de Schengen?

2. Les nouveaux systèmes d’investigation ont-ils facilité le travail de la police? Relève-t-on des améliorations mesurables dans la recherche de personnes? Les crimes sont-ils plus faciles à élucider qu’autrefois?

3. Où le Conseil fédéral identifie-t-il des lacunes dans les contrôles frontaliers? Ces derniers peuvent-ils être réellement effectués de manière satisfaisante?

4. Le Conseil fédéral constate-t-il des problèmes de personnel dans le Corps suisse des gardes-frontière? Si oui, comment entend-il les résoudre?

5. Le Conseil fédéral partage-t-il l’opinion selon laquelle des problèmes substantiels existent notamment dans le canton de Genève au niveau des contrôles frontaliers? Comment entend-il résoudre ces problèmes?

L’association de la Suisse à Schengen a entraîné la suppression formelle des contrôles de personnes lors du franchissement des frontières intérieures. En contrepartie, une série de mesures ont été prises pour améliorer la coopération judiciaire et policière internationale dans la lutte contre la criminalité et la migration illégale. En font notamment partie des mesures de sécurité comme le renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l’espace Schengen ainsi que la collaboration policière transfrontalière, notamment grâce à la banque de données européenne de recherches SIS (système d’information Schengen) ou l’amélioration de l’assistance judiciaire. Dans ce contexte, la coopération Dublin fait également partie de ces mesures (voir IP Flückiger, 10.3547).

1. Les chiffres concernant la migration illégale ne sont, par nature, que des estimations. Par conséquent, il n’est pas possible de vérifier s’ils ont évolué depuis l’association de la Suisse à Schengen, et jusqu’à quel point, ni dans quelle mesure ils résultent de l’association à Schengen.

Il n’est pas non plus possible de tirer des conclusions permettant d’établir un lien direct entre l’association de la Suisse à Schengen et une augmentation ou une diminution de la criminalité en Suisse. Avant l’installation du système d’information Schengen (SIS), le 14 août 2008, il n’existait en Suisse aucune statistique fiable sur la criminalité transfrontalière. Ce n’est que depuis 2009 et grâce aux statistiques de police criminelle (SPC) que l’Office fédéral de la statistique dispose d’informations complètes sur la criminalité en Suisse.

En revanche, il est établi que grâce à son association à Schengen, la Suisse dispose d’instruments supplémentaires efficaces pour lutter contre la migration illégale et la criminalité, à savoir, en particulier, le SIS, Eurodac et le système d’information sur les visas actuellement en cours d’élaboration.

2. Le système d’information Schengen (SIS) offre en tout temps aux autorités de police, de douane et de justice désignées par les Etats Schengen un accès en ligne rapide aux données relatives aux personnes, aux véhicules et aux objets recherchés dans tous ces Etats, dans la perspective de garantir leur sécurité intérieure. En 2009, le Bureau SIRENE Suisse (centrale nationale d’échange de toutes les informations supplémentaires lors de recherches dans le SIS) a traité en moyenne 24 réponses positives par jour (8624 par année) et échangé 161 demandes par jour (60 151 par année) avec des partenaires étrangers. Une grande partie des signalements positifs provient de la zone frontière limitrophe avec nos Etats voisins. Une légère augmentation du nombre de réponses positives concernant les personnes recherchées aux fins d’extradition, les personnes disparues et les véhicules ou les objets recherchés a été constatée à la suite de l’association de la Suisse à Schengen. Elle s’explique essentiellement par l’efficacité du système SIS, capable de fournir des réponses rapides. Les bureaux SIRENE dans chaque Etat membre contribuent également à la rapidité et à l’efficacité des recherches d’individus et d’objets dans l’espace Schengen. Le SIS offre dès lors un outil de travail précieux pour la police en Suisse, qui a nettement élevé le niveau de rapidité, d’efficacité et de professionnalisme de la collaboration nationale et internationale en matière de recherches. Le SIS apporte donc une contribution importante à la sécurité intérieure de la Suisse.

3. L’association de la Suisse à Schengen a entraîné la suppression du contrôle systématique des personnes lors du franchissement des frontières intérieures. Cependant, le Corps des gardes-frontière (Cgfr) continue de procéder à des contrôles douaniers. Près de 3 à 5 pour cent de tous les véhicules qui franchissent les frontières intérieures sont ainsi contrôlés. Cette proportion est proche de celle constatée avant l’adhésion de la Suisse à Schengen. En cas de soupçon concret de la police, les personnes continuent d’être soumises à des contrôles au franchissement des frontières intérieures. De plus, des contrôles d’identité sont toujours possibles dans les affaires douanières. Dans la zone frontalière ainsi que dans toute la Suisse, les corps de police cantonaux effectuent des contrôles de police ciblés et mobiles des personnes (mesures nationales de substitution). Le Cgfr participe aussi à la mise en oeuvre de ces mesures de substitution par des contrôles douaniers mobiles dans la zone frontalière et à bord des trains internationaux. Enfin, les prescriptions strictes du code frontières Schengen ont entraîné un renforcement des contrôles des personnes aux frontières extérieures de la Suisse (aéroports).

Grâce à l’accès au SIS, d’une part, et à l’action conjuguée des contrôles aux frontières extérieures, des contrôles douaniers aux frontières intérieures et des mesures de substitution nationales, d’autre part, la densité des contrôles et, de manière plus générale, le niveau de sécurité sont plutôt plus élevés aujourd’hui qu’avant l’association de la Suisse à Schengen.

4. A la suite de l’adhésion à Schengen et des constants développements qui en découlent, les tâches et les besoins du Cgfr en personnel n’ont pas diminué, mais au contraire plutôt augmenté. Sa mission comprend notamment le renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l’espace Schengen, c’est-à-dire aux aéroports (surtout à Genève, à Bâle, à Lugano, à Samedan et à Altenrhein), le détachement de membres du Cgfr pour des engagements liés à Frontex (Agence de l’UE pour la protection des frontières extérieures) ainsi qu’une participation permanente à plusieurs groupes de travail à Bruxelles et à Varsovie.

Pour faire face aux tâches supplémentaires de l’AFD (Administration fédérale des douanes), qui découlent des engagements de Schengen-Dublin, le Conseil fédéral a prévu onze postes supplémentaires en faveur du Cgfr au budget 2011. Viennent s’y ajouter dix postes de durée déterminée, autorisés en 2009 par le Conseil fédéral dans le cadre de l’examen général des ressources dans le domaine du personnel, pour la mise en oeuvre de l’accord à la frontière extérieure provisoire de Schengen entre la Suisse et le Liechtenstein. Les mesures d’économie fixées par le Parlement (réduction linéaire des charges du personnel de 1 pour cent dans le budget 2010) ainsi que le programme de consolidation 2012-2013 ne permettent pas d’augmenter encore davantage les effectifs du Cgfr.

5. L’effectif du Cgfr dans la région de Genève est en effet inférieur à l’effectif requis et accordé. C’est la raison pour laquelle la région obtiendra du renfort grâce à du personnel en provenance d’autres régions, notamment de Suisse alémanique. Pour réduire le problème des sous-effectifs à long terme, l’AFD prévoit d’ouvrir en 2011 une classe d’aspirants purement francophone.